Quand les racines éclairent le chemin
- Sarah Julliot de La Morandière

- il y a 3 jours
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Nous venons au monde comme on entre dans un matin clair : l’âme grande ouverte, l’esprit encore nu, sans peur et sans histoire. Et pourtant, dès le premier souffle, quelque chose en nous murmure déjà des récits plus anciens. Nous héritons de silhouettes qui ne sont pas les nôtres, de gestes laissés en suspens, d’espérances inachevées. La psychogénéalogie le sait : nous sommes des arbres porteurs de forêts entières.
Puis la vie avance, elle dépose sur nous des couches de paroles, d’habitudes, de croyances comme on superpose des voiles sur une lumière. Nos sens, d’abord émerveillés, deviennent des guetteurs prudents. Peu à peu, notre regard se rétrécit et nous finissons par prendre pour vérité ce qui n’est qu’un mince fragment de ciel. Nous pensons nous connaître, mais souvent, nous ne faisons que rejouer une partition écrite avant nous.
Et pourtant…il suffit d’un regard posé sur soi, un seul, un vrai, pour que quelque chose commence à se défaire. Il suffit de se dire — avec la douceur que l’on réserve aux êtres très fragiles :« Je te vois. Je t’aime. Tu peux vivre. »Ces mots-là ne s’adressent pas seulement à notre visage dans le miroir. Ils descendent plus profond, jusqu’aux générations silencieuses qui attendent d’être reconnues. Ils touchent l’enfant intérieur autant que la vieille âme qui nous accompagne.
Se demander :« Qui suis-je, derrière les héritages et les peurs qui ne sont pas les miennes ? »,c’est déjà commencer à respirer autrement. C’est s’autoriser à ouvrir les fenêtres d’une maison que l’on croyait close depuis longtemps. On découvre alors que nos blessures sont des lanternes, que nos failles sont des portes, que nos valeurs sont des sentinelles qui veillent à notre juste place dans le monde.
Nous vivons toutes et tous dans une structure, un cadre, une logique qui parfois sent l’étroit. Mais à l’intérieur de ce cadre, l’infini circule. Il suffit d’un rien — un mot, une question, un souffle — pour que le possible se déplie.« Que ferais-je si je n’avais plus peur ? »Cette question, légère comme une plume, pèse parfois plus lourd qu’une vie entière. Elle fait tomber les murs. Elle rend à l’âme son élan premier.
Le corps, lui, ne ment jamais. Il porte la mémoire des ancêtres comme une eau profonde. Une tension dans l’épaule peut être un chagrin ancien. Un souffle court, une peur transmise. Nos gestes répètent des histoires jusqu’au jour où nous décidons de les écrire autrement. Alors, l’habitude se fissure. L’élan renaît. Et le corps, ce compagnon trop souvent oublié, devient le lieu même de la délivrance.
Car voici la vérité douce et brûlante :nous sommes les artisans de nos vies. Nous ne sommes pas condamnés à répéter. Nous pouvons choisir. Nous pouvons aimer. Nous pouvons transformer.
En éclairant notre subconscient, en honorant les racines tout en osant pousser vers le ciel, nous devenons des êtres libres — libres d’aimer plus grand, libres de vivre plus vrai. Chaque instant devient une offrande, une possibilité d’avancer vers soi avec la lenteur sacrée des pas qui savent où ils vont.
La vie, dans sa bienveillance secrète, nous invite à créer chaque jour la version la plus simple, la plus ample et la plus lumineuse de nous-mêmes. Et peut-être qu’en chemin, quelqu’un dans notre lignée — une grand-mère silencieuse, un enfant jamais né —sourit enfin, délivré.





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